TOUSSAINT DE L’ART

chrysanthemeLe monde voit les bulles spéculatives se désagréger. Le marché de l’art actuel, lui, s’est construit non pas sur des critères artistiques mais sur des fondements spéculatifs. Aujourd’hui la garantie pour un acquéreur d’oeuvres de faire le bon choix ne se justifie plus par la qualité de l’artiste, mais par la puissance du marchand et la solidité de son réseau.

Les 2/3 des collectionneurs importants, ceux qui font le marché, sont anglo-saxons. Cela pose la question de la diversité des oeuvres achetées et de l’impossibilité pour certains artistes d’accéder à ce marché. Une forme d’impérialisme culturel se joue dans le milieu des arts plastiques. Ces clubs d’investisseurs ont privilégié les artistes anglo-saxons. Les critères d’accès à ce marché semblent reposer sur une lecture critique monodirectionnelle, à savoir la subversion.

Le regret que l’on peut avoir est que cette lecture manque de rigueur. En effet, comment admettre la subversion lorsqu’elle est orchestrée par les marchés et subventionnée par les institutions ? Peut-on continuer à lier marché et art ? Si l’on admet que la culture est source de profit, il y a tout à craindre. C’est pourquoi il faut distinguer culture et art, si l’on veut sortir de la crise. Tout est devenu culture mais certainement pas art.

Quel reflet de notre époque les artistes vont-ils laisser aux générations suivantes ? Au regard des créations soit-disant majeures, les thèmes porteurs seraient la fade subversion, le cynisme ou le conceptuel abscons. Nous allons nous arrêter sur le thème du temps : celui-ci est en effet un thème phare de l’art contemporain. Mais à trop vouloir le distordre, il y perd son présent. Où est cet art qui se veut intemporel ? Il n’a plus de lien avec le bain sociétal et il ne prend plus de risque en se frottant au concret (qui ne se confond pas avec la vie quotidienne), au point de vouloir faire disparaitre le le rapport qui se joue entre l’oeuvre et l’époque où elle fut créée. Une toute puissance des artistes néfaste à une mise en critique permettant une évolution. Car que dire de cette redondance de thèmes pseudo philosophiques dans les oeuvres afin de cacher la misère plastique…

Trop d’artistes ont emprunté à Marcel DUCHAMP son intérêt pour la philosophie dans son oeuvre et n’ont retenu que le « Tout est art ». Ne peut-on penser comme le dit Al FOSTER dans « Design and Crime » que le deuil de la modernité et post-modernité n’est pas réalisé ? Ou plus simplement que l’art contemporain dans sa version la plus marchande (Hirst et Koons) n’est-il pas la queue de comète post-moderne ? Pour le dire simplement, ce sont les scories d’un art déjà passé à la moulinette du temps. Similitude avec les artistes pompiers du début du siècle.

Aujourd’hui, en ce premier novembre 2008, qu’en est-il de l’art et quelles conditions pour un après ?

Une des conditions premières devrait être la sincérité dans le travail de l’artiste. Seule voie possible à une démarche du futur. Se nourrir du passé est important, le singer ou pire le copier ne semble pas la voie vers l’après. Il faut expérimenter, se tromper, voyager en soi, tout en regardant dans la lucarne de l’histoire de l’art. Hanna Arendt dans son ouvrage « La crise de la culture » pense qu »il ne s’agit pas de renouer le fil rompu de la tradition ni d’inventer quelque succédané ultra moderne, mais de savoir s’exercer à penser pour se mouvoir dans la brêche ». Ce thème est repris par Pierre STERCKX dans « Impasses et impostures » en insistant sur le fait qu’un changement est nécessaire, un recommencement possible. Il préconise l’arrêt de la part des artistes ou critiques de galvauder sans nuances les phrases de Duchamp et Carl André que sont : « Ce sont les regardeurs qui font le tableau » ou « si quelqu’un dit que c’est de l’art, c’est de l’art ». Cela entraine un grand n’importe quoi. Ce n’est pas parce que nous sommes sur les ruines de l’art du 20ème siècle qu’il faut désespérer. Bien au contraire la reconstruction nous obligera à utiliser le passé et le futur pour un présent toujours dépassé.

Le LABO DTF propose la création de l’Art enchanté : un art de la fiction, du symbolique et d’une autre réalité qui ne se confond pas avec la vie quotidienne. Un art qui refuse de s’enfermer dans la case « promo dollar » tout en s’interdisant de hurler avec les loups contre l’art contemporain. Ce demain de l’art, les laborantins souhaitent y participer et souhaitent y imprimer des valeurs comme l’intentionalité, la fulgurance. Revenir à la forme comme nécessité plastique et ne pas tomber dans le formalisme avec ses clichés et schémas. Cette forme peut être liée au sens et à la subjectivation.

Pierre STRECKX fait reposer ses critiques sur la subjectivité (chère à Deleuze) et l’expression. Sa critique se rapproche de ce que souhaite la LABO DTF pour arriver à se sortir du marasme actuel. Réussir à cuisiner en laboratoire un mixte du savoir et de sensations ou un équilibre entre l’affect, le concept et le percept (saisit le sensible à travers ses apparences).

Enchantons la vie en déposant les armes et fleurissons la tombe de l’art contemporain, et fêtons la naissance de l’Art enchanté ! (ce qui charme, suscite un plaisir extrême).

° Vx Poney

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