« RUINES » à la Galerie MODULAB

Frédéric PENELLE / 10 janvier – 09 février 2019

Visite de la B.A.C. à la Galerie MODULAB, 57000 METZ.

Sur un espace réduit, la scénographie est simple et efficace. Sont présentées à la fois des œuvres avec des ensembles de compositions garnies de petits formats. Expo qui montre des assemblages; type cadavres exquis.

L’œuvre créée spécifiquement sur l’un des murs de la Galerie nous a particulièrement séduit, par une composition réalisée in situ alliant peinture sur le support avec la mise en scène de figures…… et découpées.

L’univers graphique proposé est assez sombre, voire oppressant, avec une poésie toujours présente. Un style graphique qui reprend les codes des cabinets de curiosité tant usités; mais cela reste néanmoins une jolie découverte aux relents des 80’s.

La Galerie MODULAB qui accueille l’exposition est en fait une association qui offre à des artistes la possibilité de disposer du lieu pour y travailler, y imprimer leurs œuvres graphiques; son identité visuelle est fortement marquée par le dessin, la gravure, la sérigraphie. L’accueil mêle discrétion et courtoisie. La Galerie dispose de deux salles d’exposition dont l’une débouche sur une vitrine qui permet à notre ami PENELLE  d’attirer le chaland à l’aide d’une oeuvre découpée en carton, qui transforme le dessin en volume prêt à s’animer.

Les ambassadrices du lieu nous ont ouvert cordialement l’antre de la galerie, l’envers du décor, et ainsi nous avons pu visionner le film d’une installation phare de l’artiste, réalisée en collaboration avec Y.JACQUET, qui anime grâce au mapping ses sujets et éléments gravés.

http://www.mecaniques-discursives.com/#about-1

 

PEINDRE LA NUIT / Exposition Centre Pompidou Metz / 13.10.2018 – 15.04.2019

Point positif : début d’exposition où l’esprit de la nuit est présent, notamment dans la première salle qui présente des œuvres de qualité où la nuit prend toute sa mesure et son épaisseur, plus particulièrement un tableau de Mondrian en lisière de forêt, présentant une une vision trouble de la perception nocturne. Un autre tableau de Kupka magnifie la vibration colorée du ciel au-dessus d’une ville éclairée. Le hollandais dont on a oublié le nom nous a ravis par la mise en valeur des couleurs par l’éclairage et surtout un fauve avant les fauves, autrement dit un pré-fauve.

Pour la B.A.C. indiscutablement la plus belle découverte dans cette expo est l’œuvre de Marcel ODENBACH qui offre au regard un collage de grande dimension (papier sur papier). L’artiste nous présente une vision nocturne à travers une fenêtre. Son collage magnifie les effets de reflets de manière subtile – mise en abime du sujet de la ville- ; son œuvre est habitée de multiples personnages qui se découvrent  en s’approchant et qui forment la vibration d’ombre et de lumière. Le tableau est habité sans que l’on s’en aperçoive, à la façon d’un Jérome BOSCH. Plus le spectateur s’en rapproche, plus l’œuvre raconte autre chose.. Ne pas hésiter à prendre de la distance puis revenir à proximité. Les effets lumineux sont crûs, subtils, par des arrachages de support qui de manière très expressive apportent un fort contraste au collage. L’œuvre dans sa composition comme dans son titre reste une énigme…. « Le crime était presque parfait ».

On peut regretter pour le rester de l’expo l’introduction d’œuvres de série Z d’artistes pourtant majeurs (PICASSO, MONET, BACON, ERNST…

Ces œuvres auraient du rester dans un placard ou dans un coffre……

B.A.C. IS B.A.C.

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Exposition François MORELLET. Galerie Hervé BIZE

Coup de cœur des trois glands de la Brigade d’Art Contemporain. Cette galerie et son propriétaire nous transportent au sein du Gotha de l’art contemporain international. Et qui de plus passionnant que François MORELLET pour commencer cette année ? Lui qui aimait dire de l’art moderne que ce qu’il préférait, c’est qu’il soit « désacralisé, absurde, logique, élitaire, prêt à accueillir le grand public » ! Depuis  cinquante ans, il s’est imposé et pour toujours de n’utiliser que des éléments géométriques pour réaliser ses oeuvres d’une façon neutre et précise, d’après des systèmes  pré-établis simples et évidents.

Sa recherche, après avoir éliminé la figuration, la spontanéité, la sensibilité, l’Ego, se porte sur ce qui reste.

Après avoir salué le maître des lieux qui, comme à l’accoutumée, prend soin de ses hôtes – elle est là la bienfaisance !- , paré de sa timidité légendaire, il invite les trois gougnafiers de la Brigade d’Art Contemporain à humer le chiffre Résultat de recherche d'images pour "nombre pi" et ses myriades de déclinaisons d’arcs (Mireille ou Daniel, au choix) de cercle et de carrés fidèles à sa grammaire.

Les trois pénis-temps (sortant d’une longue cure d’abstinence) se sont tout d’abord recueillis dans la salle des fresques sur l’ensemble de 4 sérigraphies sur carton datant de 1976.

trame de points Morellet 1976

Ces sérigraphies consistent en la juxtaposition  de points colorés dont le rendu final dépend de l’ordre de passage des couleurs.

Ode à l’amour de la part de François : commande de la Ville de Nancy au profit du Musée des Beaux Arts, d’une série reprenant les volutes du forgeron Lamour par une transcription Morelesque à savoir volutes et néons jaunes sur façade (cadre en bas à droite et 2ème cadre en partant du haut)

projets morellet

Cette œuvre est installée sur une façade du Musée derrière la fontaine Amphitrite place Stanislas. Malheureusement insuffisamment visible en raison de l’inaccessibilité au public du jardin du MBAN.

Dans la série des commandes publiques, Hervé BIZE présente d’anciens croquis ayant abouti à la réalisation d’œuvres éphémères pour la synagogue de Delme (1er cadre an partant du haut-droite) et la façade de la salle Poirel (1er cadre en partant de la gauche).

Arrêt prolongé et gondolé de nos trois sbires devant deux acryliques et graphite sur papier de 1979 à savoir « Bien / Mal » et « Dick / Cunt« . Encore une fois, ces titres nous montrent le côté facétieux, trublion voire coquin du Maestro Morellet :

dick cunt morelletbien mal morellet

Amis lecteur, à vos traducteurs !

En contrepoint des sérigraphies colorées évoquées précédemment, un ensemble de 4 encres sur papier nous présente une déclinaison de pointillés dont la forme évolue en fonction du degré d’angle choisi (décalage de 5 degrés à chaque reprise – et non pas 100 nuances degrés-) :pointillés 0°20° détail

Pointillés 0°-20°, 0°-25°, 0°-30°, 0°-35°, 0°-40°, 0°-45°, 1976 (détail)

Magie optique : éblouissement total sans recours aux lunettes 3D !

Passage dans la salle blanche (mais où était la dame ?)

Le quadrillage est un des cadres conceptuels pilier de la trame morellesque : ainsi une nouvelle série de trois encres sur papier représentant pour le prophane des grilles de mots croisés semi-ouvertes et dont François fait évoluer la trame d’un degré sur chaque dessin : Hervé a plus d’une tour de Bize dans sa besace !

1 trame 0°, 1 trame 87° etc..1 trame 0°, 1 trame 87° /1 trame 0°, 1 trame 88° / 1 trame 0°, 1 trame 89°, 1977

Passons sur la côte, non pas de bette, non pas de porc, mais celle qui nous fait sentir les embruns. Ainsi, Raz de marée (graphite et rhodoïd sur papier Arches, 1988), dans son décalage par rapport à Marée haute, nous met dans le sens de la vague :maree haute morelletraz de maree morellet

François, pourquoi la puissance des mots, des titres que tu choisissais et ta rigueur sur le plan géométrique nous rendent hilare et arrivent à nous rendre ton œuvre si humaine ?

Pour conclure, face à Figure hâtive n°3 et 4 (acrylique et graphite sur papier, 1987), dans ce que nous pouvons interpréter comme un clin d’oeil aux « femmes pinceaux » d’Yves Klein…figure hative n 3 et 4

Certes tu maîtrisais « l’art de dessiner des angles et des carrés nets de sentiments ».

Pour autant, malgré toute ta rigueur et tes précautions, tu arrives à toucher l’inconscient du « regardeur » qui prolonge tes œuvres;

Que ce soit avec sa dick ou sa cunt.

Musée PICASSO retravaillé

Cet été, je n’ai pas résisté à l’idée de vérifier si le musée PICASSO était toujours le même après les récents travaux qui y ont été menés. pourquoi cet intérêt me direz vous (les œuvres de PICASSO sont toujours là…) ?

Et bien, ce musée, dont l’installation initiale est l’œuvre de Roland SIMOUNET, est une œuvre en soit

Simounet
Roland simounet architecte

… je fûs rassuré, soulagé : les volumes des salles d’expo sont préservés. les belle articulations qui m’ont émues jadis sont toujours là pour accompagner les visiteurs dans leur promenade esthétique.

musée picasso
musée picasso

à ne pas rater. un must où l’art et l’architecture se côtoient et s’accompagnent sans compétition.

cP

ZIMOUN au 104…

Une visite au 104 à Paris, juste pour se faire une idée de ce que pourrait être la « Friche culturelle » de Nancy. Bonne surprise : un lieu vivant ! Une grande halle où les gens du quartier viennent lire, danser, faire n’imp… bref, un lieu de vie avec café, braderie EMAUS, librairie, etc. En sous-sol, une instal d’un artiste arté-povéra vraiment pauvre en émotion, en rendu, etc… avec un pompier qui se fait chier au milieu (l’œuvre est en carton). sans intérêt.

plus loin, par contre, une deuxième halle avec des espaces d’expos accueillant des installations de ZIMOUN (pas une surprise, je passais là pour ça !). Chaque pièce est un univers visuel et sonore basique et très maîtrisé ! l’expérience est à vivre… au moins une fois : en fait, même si c’est réussi, on n’est pas vraiment surpris quand on s’est renseigné sur l’artiste et ses installations précédentes… c’est un peu du recyclage : ZIMOUN doit être en panne d’inspiration ou être piégé par son succès. Pauvre homme  : le tampographe de l’instal-sonore (le tampographe au moins lui nous fait marrer).

cP

les cartons ont les boules

poils à gratter

La Biennale d’art contemporain de Venise 2009

Le Labo DTF a dépêché pas moins de 3 envoyés spéciaux pour couvrir la 53ème biennale de Venise. Un reportage réalisé par Romain DURCIK, Nicolas DURAND et Guillaume HOUIN. Le thème de cette biennale était « faire des mondes »…

« faire des mondes », quoi de plus fourre-tout qu’un thème si généraliste ? De quoi donner à tout le monde l’occasion de faire ce qui lui plait… Cette année la biennale à récompensé de son lion d’or Bruce Nauman, dans le pavillon américain, pourquoi une telle décision vous me direz-vous ? il est vrai que l’on peut s’interroger, pas parce qu’il ne le mérite pas, mais pourquoi récompenser d’un lion d’or un artiste dont les oeuvres datent des avant-gardes minimales et conceptuelles des années 60. Sinon que dire si ce n’est beaucoup beaucoup de choses à voir, une édition chargée à mon goût, comptez une semaine pour faire le tour vraiment ! Claude Lévêque fait la différence évidemment en murant l’entrée d’une paroi aveugle, un décor argenté brillant, des cages à fauves et des drapeaux noirs, un minimalisme et une esthétique particulière, les russes cette année frappent fort, des dessins à l’encre de Pavel Pepperstein, Shuralev qui a punaisé sur les murs noirs de minuscules portraits de personnes célèbres du 20è s., Molodkin met en scène 2 athéna sous respirateur artificiel, une avec du sang pour la vie et l’autre avec du pétrole tchétchène, la mort, le must reste Kallima, qui a peint sur les 4 murs d’une salle, une foule en délire d’un stade, visible qu’à la lumière noire, en fond sonore les cris progressives de la foule, puis une interruption brutale de l’ensemble nous ramène à une pièce blanche et silencieuse…le meilleur pavillon à mon goût. On pourrait faire le tour de chaque pavillon, mais il faudrait un article de 3 kilomètres.

Guillaume HOUIN

Les rencontres de la BAC : ELISE FRANCK au coeur des songes.

Parmi les peintres que la BAC souhaitait ausculter, Elise Franck fut la première à nous ouvrir son antre. Décor coquet d’un atelier relevant plus d’une chambre universitaire que d’un cloaque du XIX ème. L’élaboration de sa création se joue de son enfance à travers la mémoire.

« Ma grand-mère ne sait pas que je m’inspire d’elle, ça me gêne de lui dire. je détourne ses question, je fais mine de ne pas posséder de photographies de mes travaux. »(1)

Détail de la toile « Chardin » représentant un buste antique sur une commode, qui effrayait et inquiétait Elise Franck enfant la nuit, lorsqu’elle était chez sa grand-mère.

Sa mémoire renvoie à des objets, des instants, à des êtres en perpétuel ricochet.

« Mes petits croquis, c’est vraiment pas grand chose. C’est juste pour visualiser des lignes. Ces petites images m’aident à construire mes toiles… »(2)

Il faut voir ses toiles (grand format) vous happer comme pour mieux vous intégrer à ses songes. Sa création suit les méandres de fixations traumatiques, comme si elle longeait un fleuve ou le lapin côtoie la fève sans la galette. Difficile de décrire l’impression qui se dégage de ses toiles car il y a toujours une inquiétante étrangeté qui se mêle à une gourmandise non feinte.

Son travail s’appuie sur une économie de matière qui permet de retrouver cette touche délicate qui anime ce « je ne sais quoi » d’imperceptible effroi. Tout cela est truffé de nuances (de tons, d’ émotions, d’ impressions…). L’on est dans l’intime, l’intérieur, dans l’antre de la peintre.

Sa dernière toile, toujours en cours, nous laisse entrevoir d’imperceptibles évolutions dans le traitement; ses teintes demeurent lumineuses, douces, mais plus intenses et plus épaisses.

palette de l’artiste

Le thème évolue (paysage culinaire actuel) où comment peindre une montagne à l’aide de deux clichés, l’un d’une coupe de glace chantilly et l’autre d’un paysage montagneux.
Son espace de création, à l’aube de sa carrière, est tourné vers son passé, ses souvenirs. La Bac a hate de retrouver Mademoiselle Franck après la virgule, celle qui ponctuera le passage d’un passé tourmenté vers un futur incertain mais que nous lui promettons radieux et « enchanté ». Nous espérons très prochainement la revoir en dehors de son atelier. Une exposition lui permettrait peut-être de finir d’écrire sa première phrase, celle qu’elle avait commençée d’inscrire sur ses premières toiles et ainsi « par la présente »(3) continuer son histoire picturale que nous nous promettons d’accompagner.

(1) extrait de « Par la présente », Elise Franck, DNSEP art 2007.
(2) extrait de l’entretien réalisé par la Bac
(3)référence faite à: »Par la présente, je n’appartiens plus à l’art », livre de Joseph Beuys.

Nom : Elise FRANCK, née le 12/10/1984, à Metz

Adresse de son atelier : 09 rue des soeurs macarons 54000 NANCY

http://www.elisefranck.fr
Parcours :

2005 Galerie Lillebonne Nancy Organisation de l’exposition « Dans le noir » Exposition de travaux d’étudiants des Beaux-arts 2006 Espace 117 Nancy Exposition collective 2006 Galerie Automatique Bâle, Suisse 2006 Galerie de l’Esplanade Metz « Double Face », exposition collective 2007 Fort de Jouy-sous-les-côtes Jouy-sous-les-côtes Exposition « le patrimoine militaire au sein de l’art contemporain » 2007 Galerie Poirel Nancy « Le nouveau paysage familial », exposition collective

2002 Lycée de La Communication Metz Baccalauréat littéraire option arts plastiques, mention AB 2002-2007 Ecole Nationale Supérieure d’Art Nancy 2005 Diplôme National d’Arts Plastiques, option art, avec mention 2005-2006 Echange Erasmus à l’Académie des Beaux-arts de Munich, Munich atelier de peinture d’Anke Doberauer (Allemagne) 2007 Diplôme National Supérieur d’Expressions Plastiques, avec les félicitations du jury

Influences : Courbet / Chardin / Kilimnik / Tuymans / Morandi / S.Calle / V.Mréjen / Boltanski

TOUSSAINT DE L’ART

chrysanthemeLe monde voit les bulles spéculatives se désagréger. Le marché de l’art actuel, lui, s’est construit non pas sur des critères artistiques mais sur des fondements spéculatifs. Aujourd’hui la garantie pour un acquéreur d’oeuvres de faire le bon choix ne se justifie plus par la qualité de l’artiste, mais par la puissance du marchand et la solidité de son réseau.

Les 2/3 des collectionneurs importants, ceux qui font le marché, sont anglo-saxons. Cela pose la question de la diversité des oeuvres achetées et de l’impossibilité pour certains artistes d’accéder à ce marché. Une forme d’impérialisme culturel se joue dans le milieu des arts plastiques. Ces clubs d’investisseurs ont privilégié les artistes anglo-saxons. Les critères d’accès à ce marché semblent reposer sur une lecture critique monodirectionnelle, à savoir la subversion.

Le regret que l’on peut avoir est que cette lecture manque de rigueur. En effet, comment admettre la subversion lorsqu’elle est orchestrée par les marchés et subventionnée par les institutions ? Peut-on continuer à lier marché et art ? Si l’on admet que la culture est source de profit, il y a tout à craindre. C’est pourquoi il faut distinguer culture et art, si l’on veut sortir de la crise. Tout est devenu culture mais certainement pas art.

Quel reflet de notre époque les artistes vont-ils laisser aux générations suivantes ? Au regard des créations soit-disant majeures, les thèmes porteurs seraient la fade subversion, le cynisme ou le conceptuel abscons. Nous allons nous arrêter sur le thème du temps : celui-ci est en effet un thème phare de l’art contemporain. Mais à trop vouloir le distordre, il y perd son présent. Où est cet art qui se veut intemporel ? Il n’a plus de lien avec le bain sociétal et il ne prend plus de risque en se frottant au concret (qui ne se confond pas avec la vie quotidienne), au point de vouloir faire disparaitre le le rapport qui se joue entre l’oeuvre et l’époque où elle fut créée. Une toute puissance des artistes néfaste à une mise en critique permettant une évolution. Car que dire de cette redondance de thèmes pseudo philosophiques dans les oeuvres afin de cacher la misère plastique…

Trop d’artistes ont emprunté à Marcel DUCHAMP son intérêt pour la philosophie dans son oeuvre et n’ont retenu que le « Tout est art ». Ne peut-on penser comme le dit Al FOSTER dans « Design and Crime » que le deuil de la modernité et post-modernité n’est pas réalisé ? Ou plus simplement que l’art contemporain dans sa version la plus marchande (Hirst et Koons) n’est-il pas la queue de comète post-moderne ? Pour le dire simplement, ce sont les scories d’un art déjà passé à la moulinette du temps. Similitude avec les artistes pompiers du début du siècle.

Aujourd’hui, en ce premier novembre 2008, qu’en est-il de l’art et quelles conditions pour un après ?

Une des conditions premières devrait être la sincérité dans le travail de l’artiste. Seule voie possible à une démarche du futur. Se nourrir du passé est important, le singer ou pire le copier ne semble pas la voie vers l’après. Il faut expérimenter, se tromper, voyager en soi, tout en regardant dans la lucarne de l’histoire de l’art. Hanna Arendt dans son ouvrage « La crise de la culture » pense qu »il ne s’agit pas de renouer le fil rompu de la tradition ni d’inventer quelque succédané ultra moderne, mais de savoir s’exercer à penser pour se mouvoir dans la brêche ». Ce thème est repris par Pierre STERCKX dans « Impasses et impostures » en insistant sur le fait qu’un changement est nécessaire, un recommencement possible. Il préconise l’arrêt de la part des artistes ou critiques de galvauder sans nuances les phrases de Duchamp et Carl André que sont : « Ce sont les regardeurs qui font le tableau » ou « si quelqu’un dit que c’est de l’art, c’est de l’art ». Cela entraine un grand n’importe quoi. Ce n’est pas parce que nous sommes sur les ruines de l’art du 20ème siècle qu’il faut désespérer. Bien au contraire la reconstruction nous obligera à utiliser le passé et le futur pour un présent toujours dépassé.

Le LABO DTF propose la création de l’Art enchanté : un art de la fiction, du symbolique et d’une autre réalité qui ne se confond pas avec la vie quotidienne. Un art qui refuse de s’enfermer dans la case « promo dollar » tout en s’interdisant de hurler avec les loups contre l’art contemporain. Ce demain de l’art, les laborantins souhaitent y participer et souhaitent y imprimer des valeurs comme l’intentionalité, la fulgurance. Revenir à la forme comme nécessité plastique et ne pas tomber dans le formalisme avec ses clichés et schémas. Cette forme peut être liée au sens et à la subjectivation.

Pierre STRECKX fait reposer ses critiques sur la subjectivité (chère à Deleuze) et l’expression. Sa critique se rapproche de ce que souhaite la LABO DTF pour arriver à se sortir du marasme actuel. Réussir à cuisiner en laboratoire un mixte du savoir et de sensations ou un équilibre entre l’affect, le concept et le percept (saisit le sensible à travers ses apparences).

Enchantons la vie en déposant les armes et fleurissons la tombe de l’art contemporain, et fêtons la naissance de l’Art enchanté ! (ce qui charme, suscite un plaisir extrême).

° Vx Poney

Le peintre créateur d’utopie vivante ou, le pouvoir de l’art

HUNDERTWASSER au musée Unterlinden, Colmar.

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Rares sont les artistes ayant poussé leur art aussi loin et sans concession, au sein même de la vie. En effet, Hundertwasser n’a pas été que le témoin de son temps, il a agit sur lui. Allergique au conformisme ambiant au point de haïr la ligne droite. « Quand un lion s’approche de vous ou quand un requin veut vous tuer, vous êtes naturellement en danger de mort. Nous avons côtoyé ces dangers pendant des millions d’années. La ligne droite est un danger créé par l’homme. Il y a tant de lignes, des millions de lignes, mais une seule est mortelle, et c’est la ligne droite tracée à la règle. Le danger qui émane de la ligne droite n’est pas comparable au danger qui émane des lignes organiques que font par exemples les serpents. La ligne droite est étrangère à la nature de l’homme, de la vie, de toute la création. »

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Cet autrichien né à Vienne en 1928 verra sa carrière débuter à Paris. Puis très vite il parcourras le monde grâce à une série continue d’expositions, de discours-manifestes et de happenings-performances. Cela s’illustrera par une théorie: l’homme a trois peaux. L’épiderme naturel, les vêtements et la maison, tout cela sous le principe de la spirale (niveaux de conscience successifs et concentriques par opposition au moi profond). D’où sa haine de la ligne droite qui empêcherait toute divagation créatrice. Il parle de son laboratoire mental pour obtenir une parfaite autonomie imaginative. Pour Hundertwasser, l’art est le chemin qui mène à la beauté. Autre postulat chez lui , la nature est une fin en soi. Il fut traité de beatnik ingénu voir de bouffon jouant au terroriste mental. Tout est inscrit dans sa peinture, le rapport haine-nature, projet de société, lutte contre la tyrannie du fonctionnalisme et le grand défi: le triomphe de la beauté sur la laideur polluante. Sa seule arme est son art.

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A Colmar l’accent a été mis sur son œuvre picturale. Emerveillement de la BAC sur cette peinture lumineuse et humaniste comme peu de peintres sont capables d’aller rechercher (grâce à la spirale…) au plus profond d’eux-mêmes les formes et les couleurs vives de leur enfance pour illuminer de la sorte l’espace d’exposition. Forte utilisation de peinture métallique, brillante, avec une priorité de couleurs chaudes et plus particulièrement de jaune. Ses tableaux, qui sont fait de feuilles de papier collées sur la toile puis peintes ou dessinées représentent en majorité ce que l’on pourrait nommer des « villes nature ». En effet mêmes s’il y a beaucoup d’immeubles, ceux-ci sont recouvert de végétation, des arbres sortent des fenêtres, etc. Les deux belles pièces de l’exposition sont des tapisseries de grandes dimensions reprenant les mêmes sujet que les toiles mais donnant une impression de volume, de profondeur, qui décuple leur attrait. Les affiches regroupées dans une petite salle sont d’un intérêt certain sur son travail de militant humaniste et écologiste. On y découvre également des séries de timbres et de pièces que lui avait commandé l’ONU sur des thèmes tels que la paix, la fraternité ou encore l’écologie.

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Seul regret, l’absence (à part quelques photos) de prise en compte de son œuvre architecturale. Nous aurions aimé voir les maquettes de ses réalisations. Il se définissait comme un « médecin de l’architecture », il détestait la plupart des architectes, il pensait que chacun devait pouvoir construire sa propre maison (sa troisième peau) comme il l’entendait. Il a lui-même construit ou rénové des quartiers (à Vienne), au Japon, en Nouvelle Zélande, en Australie… »Je crois que l’architecture a toujours été mon but. J’ai peint parce que l’on ne m’a pas laissé faire autre chose. J’ai donc rêvé en petit ce que je ne pouvait pas réaliser en grand. Je rêvais que les tableaux n’étaient que des projets et des maquettes pour de plus grandes choses. »

Vieux-Poney et Ray.

Les citations d’Hundertwasser sont tirées du livre: Hundertwasser de Harry Rand, éditions Taschen.